En décidant de dissoudre l'Assemblée nationale, élue en janvier 2022, et en fixant le scrutin législatif pour le 17 novembre prochain, le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, élu dès le premier tour le 24 mars 2024, avec 54,28% des voix, cherchait avoir une majorité confortable au parlement à même de lui permettre, selon lui, de mettre en œuvre le projet sur la base duquel il a été élu.
« Je dissous l'Assemblée nationale pour demander au peuple souverain les moyens institutionnels qui me permettront de donner corps à la transformation systémique que je leur ai promise. Aujourd'hui plus que jamais l'heure est venue d'ouvrir une nouvelle temporalité à notre quinquennat », avait déclaré le chef de l'Etat dans un message à la nation pour justifier sa décision de dissoudre l'Assemblée, dans laquelle l'ancienne coalition au pouvoir détient la majorité.
Mais le chemin ne sera pas facile pour le dirigeant sénégalais. Déjà l’Alliance pour la République (APR), ex-parti au pouvoir de Macky Sall et le Parti Démocratique Sénégalais (PDS), de l'ancien président Abdoulaye Wade sont entrés en pourparlers pour la formation d’une coalition, en compagnie aussi du parti « Réew Mi », de l’ancien Premier ministre, Idrissa Seck, candidat malheureux à la dernière présidentielle. A signaler que l’APR et Rewmi sont deux formations issues des flancs du PDS.
Dans un communiqué rendu public dimanche, l’APR et le PDS affirment avoir « acté leur volonté de mettre en place une grande coalition politique, ouverte aux alliés respectifs, et à toute formation politique qui souhaiterait la rejoindre en vue de remporter largement les élections législatives prochaines ».
Le communiqué souligne que cette décision a été prise à l’issue d’une rencontre de « haut niveau » entre les deux entités et après ‘’une parfaite convergence de vue’’ en prélude des élections législatives anticipées.
Dans l’optique d’une large alliance politique, l’APR, le parti de l’ancien président Macky Sall dit avoir également échangé le même jour avec le parti Réew Mi de l’ancien Premier ministre, Idrissa Seck, sur les enjeux des élections du 17 novembre.
« Après de larges discussions, les deux formations politiques ont décidé de participer ensemble aux élections législatives dans une grande coalition », indique le communiqué sanctionnant cette rencontre.
Dans ce document, l’APR et ses alliés libéraux invitent les organisations et forces vives du pays à adhérer à cette nouvelle entité politique pour une victoire qui permettra « un redressement économique et social dans la paix et la stabilité » pour « prendre en charge les urgences sociales ainsi que les préoccupations des Sénégalais ».
Avec le PDS, un comité technique paritaire a été mis en place en vue de travailler sur les modalités de mise en œuvre et d’élargissement de cette grande initiative.
Si cette coalition venait à se concrétiser sur le terrain, elle marquerait un tournant majeur dans le paysage politique sénégalais, regroupant deux des plus grandes forces du pays, selon les analystes.
Pour sa part, l'ex-Premier ministre Amadou Ba, arrivé deuxième à la Présidentielle de mars dernier, a annoncé le lancement de son parti, baptisée ‘’Nouvelle Responsabilité’’ en s'écartant ainsi de l'APR.
Une des figures de proue de l’ancien régime, Amadou Ba, arrivé deuxième au dernier scrutin présidentiel, estime que le Sénégal « traverse une période de grandes attentes, des défis économiques et sociaux innombrables ».
Du côté du nouveau pouvoir, la coalition « Diomaye Président », qui a aidé à la victoire de Bassirou lors de la dernière présidentielle, a annoncé sa participation aux élections législatives du 17 novembre 2024, précisant qu'elle s’alignera sous la bannière du Pastef-Les Patriotes, parti allié et pivot de la mouvance présidentielle, dirigée par Ousmane Sonko, actuel Premier ministre.
Aissatou Mbodj, présidente de la conférence des leaders de la coalition, a indiqué que cette décision est motivée par une démarche « responsable, logique et stratégique ». Elle s’inscrit dans la continuité de l’engagement indéfectible de la coalition à promouvoir un Sénégal souverain, juste et prospère, en accord avec la doctrine « Jub-Jubal-Jubanti » (droiture, la probité et l'exemplarité), dit-elle aux médias.
La coalition Diomaye Président a également lancé un appel au peuple sénégalais, l’invitant à une mobilisation patriotique et citoyenne pour obtenir « une majorité décisive » à l’Assemblée nationale lors des élections législatives.
Toutefois, le Parti Pastef, a lors d’une réunion tenue avec les membres de la coalition Diomaye Président, annoncé sa décision de présenter sa propre liste pour les législatives anticipées. Cette décision stratégique intervient après plusieurs réflexions internes au sein du parti, qui a voulu renforcer son unité et éviter les dissensions potentielles observées lors de précédentes collaborations parlementaires avec Taxawu et Wallu, selon la presse locale.
Ces tractions interviennent alors que les nouvelles autorités ont lancé récemment « l'opération réédition des comptes », visant des ministres et responsables de l'ancien régime, accusés de « détournement de fonds publics ».
Le président Faye citant un audit soumis à la Cour des comptes, a dénoncé « des dérapages volontairement cachés », « avec une évolution incontrôlée de la masse salariale, de la dette et des intérêts de la dette, une non maîtrise des subventions et un dérapage dans les tirages sur les ressources extérieures ».
L'opposition considère cette opération qui a déjà touché certains responsables comme « une chasse aux sorcières » qui cible l'ancien régime de Macky Sall, au pouvoir de 2012 a 2024.
Abdelkrim Kninah (Map)